Les rois francs : qui sont-ils ?

Au début, il n’y avait rien. L’empire romain s’était écroulé et, avec lui, toute sa structure politique et culturelle ainsi qu’un morcellement de tribus germaniques gouvernés par des chefs, des rois francs. Ce sont pourtant eux qui, au moyen-âge, vont créer le royaume de France. Ils vont la doter d’une structure politique, d’un cadre légal, avec la loi salique, d’un système économique cohérent et d’une organisation administrative efficace. Ils ont développé une culture propre et riche enviée par le monde entier, en particulier grâce au mécénat qui a permis aux artistes de qualité de vivre et de créer. Ils ont assuré l’unité du royaume et sa sécurité aux frontières. C’est en cela que le moyen-âge est une période essentielle dans l’Histoire de notre pays, et c’est pour cela que je veux consacrer une série d’articles à ceux qui ont fait la France, les rois francs. Depuis Clovis Premier, en 481, puis les rois de France, à partir de Philippe-Auguste. C’est cette première période de l’ère médiévale que je vais aborder dans cette série d’articles.

qui sont les rois francs

Légendes et débats d’historiens rendent incertaines toutes affirmations sur les origines de ces peuples qui fuyaient les alamans, les huns et les ostrogoths.

Venus de l’est, les francs saliens se sont établis au quatrième siècle dans un secteur géographique qui correspondait approximativement au Luxembourg, à la Belgique, et aux Pays-Bas d’aujourd’hui. Leur nom viendrait du germanique franko (javelot, lance), comme les saxons. Ils tiraient leurs noms de la saxe, étaient avant tout des guerriers qui élisaient et se plaçaient librement sous l’autorité d’un chef de guerre qui exerçait son autorité dans son gawi.

La chute de l'empire romain d'occident

Rien n’est, ni clair, ni tranché, dans la longue décadence de l’empire romain. Cette longue chute, résultat de crises économiques, politiques, démographiques et militaires qui va durer deux siècles ennemis, depuis les premières intrusions “barbares” en gaule romaine en 245 jusqu’en 476, lorsque Odovacar, chef des Skires alliés aux Huns, dépose le dernier empereur d’occident et marque la fin de l’empire romain.

Ce n’est alors que la fin de l’empire romain d’occident alors que nait l’empire romain d’orient ou, empire Byzantin, dont la capitale sera désormais Constantinople. Celui-ci lui survivra près d’un millénaire. C’est, en effet, la chute de Constantinople en 1453 et la mort de son dernier en empereur, Constantin XI Paléologue, tué au combat, qui sonnera la fin de son épopée. A souligner que cette date est considérée par certains historiens comme la fin du moyen-âge et le début de la renaissance que de nombreux artistes et architectes byzantins, se réfugiant en Italie, va faire naître.  

Mais revenons à notre empire romain d’occident qui entame son long déclin au troisième siècle de notre ère. Son économie va mal car ses ressources ne parviennent pas à compenser le coût des guerres continuelles qu’oblige la sécurité de ses frontières. Les curies, chargées de faire rentrer des impôts toujours plus lourds, sont obligées de recourir à des méthodes violentes. Les contribuables récalcitrants sont emprisonnés, fouettés aux verges et condamnés à l’esclavage. Parfois, même à mort. Et pourtant, c’est l’échec, et l’état va se retourner contre ses propres institutions et les curiales vont être obligées de prendre la fuite.

Au sein de l’armée, ça ne va guère mieux. Même si tous reçoivent une même formation et un même équipement, de plus en plus de barbares, c’est-à-dire, de non romains, occupent les rangs de l’armée de l’empire. Ces soldats, issus de diverses peuplades des terres occupées forment une armée hétéroclite qui introduit les armes de jet les plus diverses dans l’arsenal militaire romain. Des gaulois, mais aussi des mercenaires venus de l’est, des steppes ou d’Arabie, s’illustrent dans la cavalerie. C’est une armée où les chrétiens et adorateurs d’Odin côtoient ceux qui vénèrent Jupiter et où on parle toutes les langues du monde qui défend les frontières de l’empire romain.

En face, les Barbares se sont organisés en ligue. Ils ont compris que pour vaincre les Romains, il fallait se battre comme eux. Ils ont amélioré l’armement de soldats professionnels, parfois formés dans l’armée romaine. C’est ainsi que, s’il n’y a pas eu de victoire décisive, de date précise pour entrer dans l’Histoire, cette longue érosion a fini par avoir raison de l’empire.

En 476, Rome récolte ce qu’elle a semé. Flavius Oreste est tué durant la bataille de Pavie. Son fils, Romulus Augustule, le dernier empereur romain âgé de 15 ans, part pour l’exil. Une nouvelle ère, qu’on appellera plus tard, le Moyen-âge, medium ævum, venait de commencer.    

Repaires chronologiques

C’est en 245 que commencent leurs intrusions sur notre sol ainsi que diverses invasions venues de l’est mais, en 264, Postumus réussit à mettre fin à ces raids, tant terrestres que maritimes.

En 269, la mort de Postumus et les luttes de ses successeurs contre les empereurs légitimes laissent le champ libre aux Francs et aux Alamans qui reprennent leurs pillages.

En 277, Probus soumet les Alamans mais ne parvient pas à réduire ni les Francs occidentaux qui occupent la Batavie, ni les Francs transrhénans qui occupent la Toxandrie, une région au nord de la Gaule romaine.

En 287, l’empereur Maximien écrase le roi salien Gennobaud qui choisit de se soumettre sans combat, avec tout son peuple. Maximien accepte sa reddition et installe les Saliens en Toxandrie.

En 306, les francs envahissent la Gaule, mais Constantin les vainc, les capture et les fait jeter aux fauves à Trèves.

Durant le quatrième siècle, les invasions continuent mais sont toutes repoussées par l’armée romaine.

Le cinquième siècle commence par une période d’accalmie entre les Romains et les Francs mais la pression des Huns vennus d’Asie poussent les Vandales, les Wisigoths et les Burgondes vers l’ouest. Avec les hivers particulièrement rigoureux de 405 et 406, le Rhin et le Danube sont pris par les glaces et les Barbares peuvent franchir facilement ces fleuves. Tandis que les Francs rhénans pillent une première fois Trèves, les Francs saliens protègent les provinces romaines de Belgique et de Germanie. Un de leurs chefs, Edobich, se rallie à l’usurpateur Constantin III qui organise la défense contre les envahisseurs.

Les Francs saliens qui s’étaient regroupés en un seul royaume gouverné par Théodomir, tué vers 420 par les Romains, puis par Clodion le Chevelu. Profitent du retrait des troupes romaines de Gaule, il conduit son peuple vers le sud et s’empare de Tournai et de sa région. Ils sont cependant arrêtés et battus par Aetius, qui leur accorde un fœdus autour de Tournai.

En 476, Odovacar, chef des Skires alliés aux Huns, dépose le dernier empereur d’occident et marque la fin de l’empire romain.

Le temps des fédérations

les francs et les rois francs

Le royaume franc, à l’origine du royaume de France, Rex Franciae, proclamé par Philippe-Auguste en 1204 est né de petites peuplades vivant à l’est du Rhin, qui se sont liguées résister à la pression d’autres envahisseurs venus de l’est.
Parmi eux sont les suèves, dont Jules César fera mention après les avoir vaincus en 58 avant J.C.. Conduits par Arioviste et alliés aux Séquanes, peuple gaulois de l’ouest du jura, ils auraient tenté d’envahir la Gaule. Ils se fédéreront avec d’autres tribus avant de s’installer le long du Main et seront connus sous le nom d’Alamans, tous les hommes. Ils seront vaincus par Clovis qui annexera leur territoire en 496.
Plus au nord, d’autres peuples se fédèrent, eux-aussi, mais dans la partie nord du Rhin. Les chamaves, les chattuaires, les bructères…. Entre autres, mais surtout les saliens, appelés à entrer dans l’Histoire. Ils fondent deux ligues de francs. Les francs saliens et les francs ripuaires.

Les francs rhénans, ou francs ripuaires, c’est-à-dire, francs des rives sont installés dur le cours moyen du Rhin, autour de l’actuelle Cologne.
Les saliens vivaient à proximité de l’embouchure du Rhin, dans une région se situant dans les actuels Pays-Bas.
Coincés entre les peuples venus de l’est, les goths, les vandales, les huns, et la gaule, leur position n’était pas des plus confortables. On peut comprendre qu’ils ont cherché une alliance avec l’empire romain pour qui, ces protecteurs de leurs frontières étaient précieux, même s’ils les attaquaient de temps en temps, histoire de montrer qu’ils existaient et d’agrandir leurs territoires.
On remarque que certains noms vont passer à la postérité, les suèves, devenant les souabes. Les alamans, les francs, mais aussi les frisons, qui furent soumis par Charles Martel puis Charlemagne, dont la langue maternelle était le francique ripuaire.

Clodion le chevelu

Mais revenons aux francs saliens qui vont créer les bases du royaume des francs dans ses bases géographiques avant que Philippe-Auguste en fasse une nation.                                                                              Ils sont très tôt fédérés à l’empire romain. Théodomir, que nous connaissons par Grégoire de Tours, était le fils de Richomer, général romain et fut même consul. Ce n’était pas très étonnant. Son neveu, Arbogast, eut une carrière semblable, étant franc et romain à la fois.                                                                                      L’armée romaine, on le sait, employait beaucoup de soldats de tous rangs originaires des contrées qu’ils avaient soumises, puis fédérées. Ainsi, Mallobaud, roi franc du quatrième siècle, a combattu les alamans au sein de l’armée romaine.                                                                                                                                               Enfin, quoi qu’il en soit, Théodomir ayant été égorgé avec sa mère par les romains, pour des raisons politiques qui restent obscures, Clodion devient roi des francs vers 428.

Personne ne se souvient de Clodion, dit, le chevelu. Et pourtant, c’est qui, ayant franchi le Rhin dès l’hiver 405/406, va envahir une partie de la province romaine de Belgique, un territoire qui servira de base à Clovis, son arrière-petit-fils, pour créer un royaume des francs dont les pourtours correspondent, à peu près, à ceux de la France, sauf en son quart sud-est, et de la Belgique actuelle.                                                                                                                                                  Aetius, chargé de la protection de la Gaule, est un peu débordé, étant occupé à combattre les burgondes, les alains, les francs ripuaires et les wisigoths. Clodion entre donc dans la province romaine de Belgique, s’empare de Tournai, Cambrai et Arras et arrive jusqu’à la Somme, de riches territoires et des villes essentielles sur le plan stratégique.                                                                                                                                                                                                                    Mais les francs aiment les fêtes. A son retour, Aetius attaque Clodion alors qu’il célèbre les noces d’un de ses officiers. Cependant, et surtout alors que les huns menacent la Gaule, le général romain est conscient qu’il ne peut pas se priver de tels alliés et décide de laisser au francs le territoire qu’ils ont conquis.

D’une certaine manière, Clodion le chevelu est notre premier roi, car c’est de ce premier territoire que va naître le royaume des francs.

Mérovée

On sait beaucoup de choses à propos de Mérovée, l’ancêtre éponyme des mérovingiens. La seule chose qu’on ne sait pas, c’est s’il a existé. Son seul portrait, à gauche, date du dix-huitième siècle.

Sa naissance même est une légende fantastique. Selon Frédégaire, qui n’est pas un fabriquant de réfrigérateurs mais un chroniqueur des six et septième siècle. Dont l’existence est tout aussi incertaine. La mère de Mérovée, alors qu’elle était déjà enceinte aurait été séduite par un monstre des océans. Selon la presse à scandale de l’époque, Il y aurait eu consommation. Ainsi, la mère de Mérovée, dont on ne sait pas le nom, aurait conçu une deuxième fois. Mais, au-lieu de donner des jumeaux, cette double conception a fait naître un fils dont le sang est à la fois humain et « monstruel ». Il me semble déjà avoir entendu parler du sang monstruel. Enfin, quoi qu’il en soit, c’est de cet événement que ses descendants, les rois mérovingiens, doivent leurs pouvoir magique et surnaturel.  

Pourtant, il est probable qu’il y ait eu un roi entre Clodion (390-450) et Childéric Premier (436-481). Mérovée serait donc né vers 410. Remarquez que, chaque fois que je donne une date, je devrais indiquer « vers », car aucune date n’est précise.

Mérovée aurait eu un frère, Clodovald. Ceci semble être précisé par l’historien grec Priscus, (410-471). Celui-ci explique que : « Le prétexte d’Attila pour sa guerre contre les Francs fut la mort de leurs rois et la dissension qui s’éleva entre ses fils pour la suprématie. L’aîné décida de s’allier à Attila, cependant que le second se tournait vers Aetius. »

Il affirme même avoir rencontré Mérovée lorsqu’il vint en ambassade à Rome : « Son visage était encore recouvert d’un duvet, et sa chevelure blonde était si longue qu’il en faisait des tresses. » Et que le général romain, Aetius en fit son fils adoptif. Mais, si Aetius mentionne le nom de Théodoric Premier, roi des wisigoths, tué lors de la bataille des champs Catalauniques contre les huns, en 451. Il ne cite pas le nom du roi des francs, ni saliens, ni ripuaires, qui ont pourtant subi de lourdes pertes.

Et je pourrais encore continuer longtemps pour vous expliquer que Mérovée a peut-être existé. Ou peut-être pas. Mais, quoi qu’il en soit, la dynastie des mérovingiens était née.

Victoire de Mérovée
Victoire du Roi Mérovée - Monture d'armoire en bronze argenté, Emmanuel Frémiet, 1867

Childéric Premier ou la naissance d’une dynastie.

Il est possible que Childéric soit devenu roi des francs en 450, alors qu’il avait quatorze ans à la mort de Clodion qui l’aurait eu dans sa quarante-sixième année. Il est possible qu’il soit le fils de Mérovée, maillon intermédiaire entre Clodion et lui. Il faut bien que l’Histoire garde un peu de mystère pour que nous ayons toujours le plaisir de fouiller dans les textes des chroniqueurs à la recherche de la vérité.

Childéric Premier, (436-481) est le premier roi franc pour lequel nous avons des informations à peu près précises. D’une part, par Grégoire de Tours, (538-594). D’autre part, par les chroniques d’Hydace, évêque de Chaves, de Marius, évêque d’Avenches et de Rémi, évêque de Reims, qui l’évoque dans sa Vie de Sainte-Geneviève. Bien que ce soient toutes des sources postérieures, elles nous permettent d’avoir une idée sur la vie de ce roi et précisent la réalité de son existence. D’autre part, il est le père de Clovis, dont l’existence est nettement plus certaine.

Son nom a été constitué à partir des mots fancisques Hild, combat et Rik, puissant. C’est dire l’importance de la guerre pour un peuple amené à se défendre sans cesse. Les rois sont donc, avant tout, des chefs de guerre. Une des conséquences de cet état de fait est la domination naturelle des hommes, même si le droit coutumier accorde certainement un certain nombre de droits aux femmes qui ont disparu : Dans un premier temps, avec la loi salique, mélange de coutumes franques et de droit latin, une civilisation qui n’était pas très féministe. Dans un second temps, avec l’assimilation par la culture chrétienne encore plus misogyne.

Anneau sigillaire trouvé dans la tombe de Childéric à Tournai en 1653. Bibliothèque nationale de France

Childéric Premier a un statut complexe. Il est à la fois roi des francs saliens et gouverneur romain de la Belgique Seconde, le territoire qu’ils occupent. Ainsi, on trouve dans son tombeau à la fois une francisque, une épée romaine à lame large, spatha, et le paludamentum, manteau porté par les généraux romains. C’est une époque durant laquelle s’opère une fusion entre les diverses cultures païennes avec le christianisme naissant des gallo-romains. La conversion de Clovis n’est donc pas le résultat d’un miracle soudain, d’une décision impulsive. Mais de la cohabitation séculaire des francs avec une civilisation romaine christianisée. 

Clovis

La Gaule à la mort de Childéric Premier.

Bien qu’il soit le roi mérovingien le plus connu, Clovis (466-511) est celui sur lequel nous avons le moins d’informations fiables.

En effet, les romains n’étant plus sur la place, les seuls écrits le concernant sont ceux de l’évêque Grégoire de Tours (538-594), c’est-à-dire, postérieurs à son règne. D’autre part, l’évêque ne pouvait pas être totalement objectif concernant le premier roi baptisé, créant des légendes qui ont fini par avoir aspect de vérité mais qui vont être à l’origine du caractère sacré des rois qui vont lui succéder, même si le premier qui fut effectivement sacré a été Pépin le Bref.

Clovis Premier est le fils de Childéric Premier. Il a quinze ans quand il prend la tête du royaume franc salien, petit territoire de la Belgique Seconde inféodé à Rome. Il est donc un chef de guerre au service de Rome. Ce qui est certain, c’est qu’il a accru considérablement le royaume dont il a hérité à la mort de son père. Par le meurtre, bien inspiré pour cela par les romains. Il fait ainsi assassiner tous les chefs saliens et rhénans voisins, certains de ses anciens compagnons et même certains membres de sa famille.  la liste est longue : Chilpéric de Burgondie, sa femme et ses deux fils. Seules ses filles seront épargnée et il épousera l’une d’elles, Clothilde. Syagrius, dux romanum de Soissons. Racagnaire, roi de Cambrai, Alaric, roi des wisigoths… Mais je m’arrêterai là car la liste serait rébarbative.

Clovis Premier sait aussi nouer des alliances afin de sécuriser son territoire tandis qu’il se lance avec ses armées dans la conquête de nouveaux territoires. Ainsi, il marie sa sœur, Audofleda, avec Théodoric, roi ostrogoth, goths de l’est. Lui-même épouse Evochilde, princesse des francs rhénans.

Il signe aussi des pactes d’alliances avec les burgondes et les armoricains.

Mais c’est aussi un chef de guerre qui a su profiter de l’expérience acquise avec les romains. Parti avec quelques milliers d’hommes, il sait insuffler une discipline à ses troupes et ayant le sens de la stratégie, il conquiert Senlis, Soissons, Lutèce, défait le général romain Syarigus à Soissons en 486, les burgondes à Dijon, puis les wisigoths lors de la célèbre bataille de Vouillé en 507.

A la mort de Clovis, le royaume franc s’étend jusqu’en Aquitaine. Mais, selon la tradition franque, il doit être partagé entre ses fils en quatre parts équivalentes.

Clovis n’est pas le premier roi des francs, ni même le premier roi chrétien, les burgondes, ostrogoths, wisigoths…. Sont largement plus christianisé que les francs, encore adeptes du paganisme germains. Clovis doutait même qu’un vrai dieu puisse se laisser crucifier. Mais il a marqué le début de ce lien fort qui va exister entre les rois francs et l’Eglise. Et, lors du concile d’Orléans en 511, les règles de leur coopération. Les évêques étant les éditorialistes de l’époque… 

Le partage du royaume des Francs à la mort de Clovis

Clothilde

Vitrail de l'atelier Charles Champigneulle (1895) représentant Sainte Clotilde - Église Notre-Dame de Sablé-sur-Sarthe.
Vitrail de l'atelier Charles Champigneulle (1895) représentant Sainte Clotilde - Église Notre-Dame de Sablé-sur-Sarthe.

Clothilde (474-545) princesse burgonde ne fut pas que l’épouse de Clovis. Si je ne suis pas convaincu du rôle légendaire qu’elle joua dans la conversion de Clovis, elle fit, après la mort de celui-ci, elle joua un rôle après la mort de celui-ci auprès de son aîné, Clodomir, âgé de seize ans. Elle est, après Basine de Thuringe, épouse de Childéric Premier, la seconde reine franque dont l’Histoire ait conservé le nom.

L’étymologie du nom de Clotilde la seconde épouse de Clovis n’est pas sans interroger. Il viendrait du germanique hold, gloire et hild, combat. Mais il est vrai qu’à cette époque d’insécurité constante, les qualités guerrières sont essentielles, raison qui mit les hommes au premier plan. En particulier, Orderic Vital (1075-1142), moine connu comme l’un des plus grands historiens de son époque. L’ermite normand Saint-Évroult les décrit comme : « séduisantes, intelligentes et jolies, dominant leur mari et oppressant leurs sujets masculins » Hévisse d’Évreux (1118-1152) assure les fonctions de shérif du Wiltshire et à Isabelle de Conches (1070-1100) chevauche armée en chevalier et prend part à un conflit au nord du royaume franc bien avant notre Jeanne d’Arc.

Il est difficile de faire la part du vrai ou du faux alors que les sources manquent et nous viennent essentiellement des moines, mais il semble qu’on soit loin de la jeune femme soumise enfermée dans son gynécée.

Dans les sociétés matrilinéaires germaniques, et les francs en étaient, les reines germaniques étaient habituées à commander. D’ailleurs, on trouve de nombreux cas de veuves prenant le pouvoir avec autorité.  

Mais revenons à Clothilde. Princesse burgonde, née vers 474, elle est la seule survivante, avec sa sœur, de sa famille que Clovis a fait assassiner avant de l’épouser. Elle est décrite par Grégoire de Tours (538-594) comme « élégante et sage ». Mais celui-ci ayant eu 7 ans à la mort de Clothilde et, d’autre part, ayant tout intérêt à donner d’elle une image conforme à l’éthique de l’Eglise à l’époque où celle-ci venait de la canoniser, en 550. Je ne sais pas ce qu’on peut penser de sa description.

Je ne pense pas non plus qu’elle ait eu le rôle qu’on lui prête dans la conversion de Clovis, dont le but était essentiellement politique dans une gaule dominée par les évêques.

Rémi de Reims, ou Saint-Rémi, (437-533), principal témoin du baptême de Clovis ne la mentionne pas : « Le roi demanda le premier à recevoir le baptême des mains du pontife… »

Après la mort de Clovis, Clothilde monta une expédition contre le royaume de Burgondie pour venger ses parents assassinés. Son fils, Clodomir, y trouva la mort lors de la bataille de Vézeronce en 524. Elle tenta de protéger ses petits-enfants, mais ne put sauver que Clodoald, qui devint l’ermite Saint-Cloud, tandis que les deux autres étaient massacrés par leurs oncles.

Elle s’attaqua au royaume wisigoth pour protéger sa fille, Clothilde, d’Amalaric, qui la maltraitait.

Pourtant, elle était très pieuse et a fondé plusieurs établissements religieux dont la basilique Saint-Germain d’Auxerre la basilique des Saints-Apôtres, future abbaye de Saint-Geneviève, et un oratoire dédié à saint Georges.

Grégoire de Tours lui attribue l’abbaye royale Saint-Martin de Tours.

Clothilde meurt à Tours où elle s’était retirée, en 545. Elle fut inhumée aux côtés de son époux dans le sacrarium de la basilique des Saints-Apôtres qu’elle avait contribué à fonder.

 

Le partage du royaume

Clovis a été marié deux fois.

Avec sa première épouse, Evochilde de Hérule, (464-508) fille de Euric Premier de Wisigothie, (420-484), Clovis a eu Thierry Premier (485-534).

Avec Clothilde, qu’il épouse en 492. A noter qu’il n’était pas rare chez les francs d’avoir plusieurs épouses. Clovis a eu : Ingomer, mort en couches. Clodomir (495-524). Childebert Premier (497-558), Clotaire Premier (498-561) et Clothilde (500-531).

Le droit coutumier des francs saliens transformé en loi salique par Clovis, implique que le territoire soit partagé entre Thierry, Clodomir, Childebert et Clotaire. 

Selon Grégoire de Tours, le partage eut lieu en présence des grands du Royaume, de Thierry, déjà majeur, et de la reine Clotilde.

Thierry, l’aîné et qui a été compagnon des combats de son père reçoit région rhénane et la Champagne. Clodomir reçoit la vallée de la Loire, Childebert la future Normandie et Clotaire le nord de la Gaule.

C’est un partage du territoire mais pas la fin de l’unité franque. Ainsi, chacun installe sa capitale à peu de distance de celles des autres, ce qui contribue à maintenir l’unité du royaume : Thierry à Reims, Clodomir à Orléans, Childebert à Paris et Clotaire à Soissons.

En 524, à la mort de Clodomir, Childebert invita Clotaire pour régler sa succession. En premier, ils eurent soin d’assassiner leurs neveux, Thibaut et Gonthier avaient respectivement dix et sept ans. Seul survécu Clodoal, le futur Saint-Cloud alors âgé de deux ans, qui fut sauvé par des fidèles.

Fibulle du sixième siècle

Ceci fait, les trois survivants se partagèrent le gâteau.

Au moment de la mort de Thierry, en 534, son fils Thibert est l’otage des goths après sa défaite en Arles. Childebert et Clotaire veulent s’approprier son royaume mais les leudes de Thibert, membres de la haute aristocratie liés au roi par un serment et des dons, le soutiennent et le font monter sur le trône. A sa mort, en 548, son fils Thibaut lui succède mais meurt en 555, âgé de vingt ans. Clotaire accapare son royaume et prend sa veuve, Vuldetrade, comme sixième épouse, mais il la répudie peu après pour la donner en mariage à Garibald, duc des bavarois.

Enfin, en 558, après la mort de Childebert, le royaume est unifié avec Clotaire Premier comme roi. Mais en 561, Clotaire meurt et le royaume est partagé entre Caribert, Gontran, Sigebert et Chilperic.

Clotaire Premier

Tête de Clotaire Ier. Musée municipal de Soissons

Il est compliqué de faire un tableau de succession des rois francs comme on le ferait des rois de France parce que le royaume est, comme on l’a vu, sans cesse partagé. La règle de la primogéniture masculine ne s’est encore pas imposée. Nous avons donc un roi de Neustrie, un d’Austrasie, un de Burgondie…

Pourtant, il y a déjà un roi des francs qui s’impose. C’est le cas de Clotaire Premier, dernier fils de Clovis. Roi de Soissons en 511, il gravit les échelons au fur et à mesure de la mort de ses frères. roi d’Orléans en 524, des Burgondes en 534, roi de Metz en 55 et enfin, de 558 à 561, il est le seul à la tête du royaume des Francs de Clovis.

Il est surtout célèbre pour son mariage avec Radegonde.

En 531, Radegonde la fille du roi Berthaire de Thuringe a onze ans quand son père est assassiné par ses deux frères. Quand, le royaume de Thuringe est vaincu par Thierry et Clothaire, elle est faite prisonnière et attribuée à Clotaire par tirage au sort. Pendant dix ans, elle est éduquée par Ingonde, épouse de de ce dernier et reçoit une éducation religieuse et intellectuelle.

À la mort d’Ingonde, Clotaire décida de l’épouser. Elle avait dix-huit ans et lui quarante. Elle ne réussit jamais à se faire aux fastes et aux mœurs de la cour mais c’est quand son mari tua Hermanfred, son oncle, qu’elle décida d’entrer au couvent.  Elle fonda le monastère Sainte-Croix de Poitiers, dans lequel elle se retira comme simple religieuse. Elle deviendra Sainte Radegonde.

En attendant, Clotaire avait eu huit fils avec ses six épouses. Plus Gondovald, qui sera roi d’Aquitaine durant quatre mois. Il serait lié d’une relation éphémère avec une femme qui s’est présentée à Childebert Premier, l’un des fils de Clotaire, et fut admis dans la fratrie sans autre forme de procès. Vaincu par Gontran, roi de Burgondie, il sera assassiné. Il est intéressant de signaler la confusion qui existe entre la notion d’épouse de second rang et de concubine ou maîtresse. Nous sommes dans une société qui oscille entre paganisme et christianisme et la monogamie ne s’est pas encore imposée. Quoi qu’il en soit, quel que fut le statut de leur mère, le fils a le même droit à la succession. Même si deux d’entre eux sont déjà morts, on devine que la succession ne va pas être facile.

Sainte Clotilde prie saint Martin, Grandes Chroniques de France de Charles V

Les fils de Clotaire.

Tiers de sou de Gontran frappé à Chalon-sur-Saône

En 561, aîné des fils survivants de Clotaire Premier, Caribert hérite du royaume de Paris, mais il est excommunié pour bigamie sur décision du concile de Tours, en 567. Il avait épousé l’une des sœurs de ses précédentes épouses. Il meurt sans descendance mâle et son royaume est partagé entre ses frères, Gontran, roi de Burgondie, Sigebert, roi d’Austrasie. Nés comme lui du mariage de Clotaire avec Ingonde. Et son demi-frère, Chilpéric, roi de Neustrie, issu du mariage de Clotaire avec Arégonde. On note ici l’omniprésence du suffixe gonde, ou gunda, issu de la racine gund qui signifie combat, surnom probable de guerrière. Cela en dit long sur la place des femmes dans la société franque, même si peu de traces existent à ce sujet. Et des femmes, il va justement en être beaucoup question, dans cet article et dans le suivant.

S’il doit se battre pour protéger son royaume des intrusions, Gontran préfère la paix. Il fait aussi ce qu’il peut pour réconcilier ses frères Sigebert et Chilpéric. Hélas, il ne pourra pas éviter que Sigebert soit assassiné. Probablement sur ordre de Chilpéric et de sa troisième épouse, Frédégonde. Il ne pourra même pas éviter la guerre à la mort de Chilpéric, un autre frère, Gondovald, étant apparu entre temps. 

En 577, ses deux fils mourront de la peste. Il adoptera alors son neveu, Childebert, futur roi de la Bourgogne et de l’Orléanais, qui mourut empoisonné avec son épouse, en 596.

Gontran, à qui l’incontournable Grégoire de Tours attribuera plusieurs miracles. Notamment la guérison de malades atteint du choléra. Sera canonisé à sa mort en 592. Il est le patron des divorcés et est invoqué pour apaiser les querelles familiales.

Chilpéric est réputé si violent que Grégoire de Tours l’appelle « le Néron, l’Hérode de notre temps. ». Il faut cependant relativiser car l’évêque et historien a eu une relation conflictuelle avec ce roi, au point que ça donna lieu à un procès. Grégoire de Tours étant accusé d’avoir fait circuler une rumeur selon laquelle la reine Frédégonde aurait commis un adultère avec l’évêque Bertrand de Bordeaux.

Comme on peut le constater, si les documents historiques écrits postérieurement sont inexacts, ceux de l’époque sont subjectifs. Difficile, à partir de là, de prétendre connaître la vérité en cette matière. Mais c’est ce qui la rend passionnante et en fait une science vivante.    

L'assassinat de Sigebert dans le Roman de Renart le contrefait (xive siècle).

Les quatre fils étaient cinq.

Gondoald se réfugie auprès du roi Gontran. Il est tué en trahison. XVème siècle

Un jour, une femme, se serait présentée devant Childebert avec un enfant nommé Gondovald et prétendant qu’il était le fils de Clotaire. Childebert, qui n’avait pas de fils, l’accueillit avec l’intention d’en faire son héritier. Clotaire avait affirmé que Gondovald n’était pas son fils et ordonné qu’on lui coupe ses longs cheveux afin d’effacer ce signe de naissance royale franque. 

Après la mort de Childebert en 558, puis de Clotaire en 558, Caribert, roi de Paris, l’avait recueilli et lui avait permis de laisser de nouveau croître sa chevelure. Voilà qui gênait considérablement les ambitions de Sigebert et Chilpéric qui voulait se partager les territoires, aussi Sigebert, fit enlever le fit tondre à nouveau et l’envoya en exil à Cologne.

Gondovald réussit cependant à s’enfuir et demanda asile au général Bysanthin Narsès, qui gouvernait alors en Italie et qui lui accorda sa protection. Quand Narsès dut quitter l’Italie, Gondovald le suivit avec ses deux enfants à Constantinople où il fut traité comme un prince.

Cette affaire semblait réglée mais, à la mort de Chilpéric, en 584, Mummole, comte d’Auxerre, rappelle Gondovald et, avec lui, par à la conquête de l’Aquitaine dont il deviendra roi en décembre 584. Mais Mummole trahit Gondovald en échange de la vie sauve. Il fut livré à Gontran-Boson qui lui brisa la tête d’une pierre. Il n’avait régné que quatre mois.

Gondovald, guerrier audacieux, de gunth, bataille, et bald, audace. Mais contrairement à ce qu’aurait dit Virgile : La fortune ne sourit pas toujours aux audacieux.

 

Brunehilde (547-613)

Le conflit qui l’a opposée à Frédégonde fait oublier que Brunehilde a été une régente remarquable, la première femme qui a régné sur le royaume des francs dans notre Histoire, et elle n’a pas démérité.

Plutôt que Brunehaut, nom qui lui est souvent donné par les historiens francophones, je préfère utiliser un nom plus « franc », Brunehilde, qu’on pourrait traduire par la combattante cuirassée :  brunja, armure, et hild, combat.

Brunehilde a été une personnalité majeure de son époque sur le plan intérieur comme sur le plan international et était très respectée, en particulier par le pape Grégoire le Grand avec qui elle correspondait, par l’évêque et chroniqueur, Grégoire de Tours ou par d’autres rois, comme Gontran.

Princesse wisigothe, fille du roi Athanagilde, elle est mariée en 566 à Sigebert Premier, roi d’Austrasie. Il semble que ce fut un couple très uni et on ne connait pas de maîtresse ni de concubine à Sigebert, fait remarquable à cette époque.

Sigebert est assassiné sur ordre de Frédégonde, en 575, alors que Childebert n’a que cinq ans. Brunehilde prend alors le pouvoir en son nom à la tête de l’Austrasie. Elle assurera la régence même après la majorité de son fils en dépit de l’opposition des leudes, membres de la Haute aristocratie, qui ne voulaient pas être gouvernés par une femme. Ce sont eux, et non Frédégonde, morte depuis seize ans, qui seront la cause de la chute de Frédégonde en s’alliant avec la Neustrie.

Brunehilde a été une régente efficace qui a œuvré dans de multiples domaines. Elle a créé l’abbaye de Luxeuil, fait construire des monuments. Elle a fait tracer des routes, à l’imitation des grandes voies romaines, dont il existe encore quelques tronçons en Bourgogne, en Lorraine, en Flandre.

Après le pacte d’Andelot en 587, qui offre à son fils la Bourgogne et l’Orléanais, elle s’allie avec les byzantins contre les lombards.

Sur le plan législatif, elle réorganise les institutions du royaume, rédige la décrétion de Childebert, qui organise et modernise la justice et la police et réforme la loi salique pour instaurer l’égalité entre les francs et les gallo-romains. Elle réforma les lois austrasiennes. Entre autres, elle supprima la peine de mort et elle protégeait les faibles.

Elle s’est aussi préoccupée du droit des femmes, faisant, par exemple, inscrire dans la loi qu’une femme ne peut pas être mariée contre son gré.

En 613, trahie par les siens, abandonnée par ses armées, Brunehilde s’enfuit dans le Jura suisse, où elle est rejointe par le connétable de l’armée de Neustrie, Herpon qui la livre à Clotaire.

Celui-ci fait exécuter deux des quatre arrière-petits-fils puis la livre à ses soldats qui la violent pendant trois jours. Il la fait exposer nue sur le dos d’un chameau.

Elle est attachée par les cheveux, un bras et une jambe à la queue d’un cheval indompté.

La bataille des reines.

En 566, Sigebert Premier avait hérité du royaume de Reims. Il épouse la célèbre Brunehilde.

Son frère cadet, Chilpéric, jaloux de cette union, épouse alors en 568 la sœur aînée de cette dernière, Galswinthe, elle aussi, fille du roi des wisigoths Athanagild et de Goïswinthe, une princesse vandale.

Le mariage implique, selon la tradition germanique, le versement à Galswinthe d’un « morgengabe », don du matin. Ce sont les biens offerts par le mari à la mariée après la nuit de noces en échange du don de la virginité. Outre les biens mobiliers et immobiliers habituels, il comprend les cités de Bordeaux, Limoges, Cahors, le Béarn et la Bigorre, soit un tiers du royaume de Chilpéric, et sa partie la plus riche.

Si Chilpéric venait à mourir avant elle ou en cas de séparation, Galswinthe conserverait son morgengabe qu’elle pourrait transmettre à son père ou à son nouvel époux. On comprend qu’il est du plus vif intérêt que Galswinthe meurt en premier. D’autant plus, qu’entre temps, la mort d’Athanagild, a ôté tout l’intérêt politique de leur union. Son successeur, Léovigild, se concentre plus sur l’unification de la péninsule, la création d’un royaume qui deviendra l’Espagne.   

Chilpéric est amoureux de Frédégonde, une suivante de la reine Audevère, sa première épouse qui lui a donné cinq enfants.

Elle pourrait être une simple concubine, comme il y en a beaucoup. Mais Frédégonde a des ambitions royales. Elle a réussi à faire répudier Audevère, et ce nouveau mariage ne fait pas son affaire.

La solution est toute trouvée, et elle fait étrangler Galswinthe dans son lit. Et Chilpéric peut l’épouser.

Mais Brunehilde décide de venger le meurtre de sa sœur.

Frédégonde donnant l’ordre d’assassiner Sigebert. Vitrail de la cathédrale de Tournai. 15° siècle.

C’est le début d’une faide royale qui va durer quarante-trois ans. Une série d’assassinats et de batailles qui ne se termineront qu’avec la mort de Brunehilde.

Un accord avait pourtant été trouvé, grâce à l’intervention de Gontran, leur aîné, roi sage et pacifiste de Burgondie. Chilpéric devait rendre les territoires prévus dans le morgengabe de Galswinthe.

Mais Chilpéric ne respecte pas ses engagements. Sigebert envahit alors l’Aquitaine et se fait proclamer roi.

Frédégonde le fait assassiner le jour de son sacre. Dans la confusion, le rapport des forces tourne en faveur de Chilpéric. Brunehilde est faite prisonnière mais parvient à s’échapper et à retourner à Metz prendre la régence.

Le roi de Neustrie est assassiné à son tour en 584. Sur ordre de Frédégonde ?    

Frédégonde était, ce qu’on appellerait aujourd’hui une tueuse en série.

Elle a fait tuer Galswinthe, Sigebert, la reine Audovère, Clovis et Mérovée, deux fils que son mari a eu avec sa première femme.

Elle fait violer Basine, leur fille, par ses soldats, et elle la fait cloitrer.  

Elle s’implique personnellement dans le meurtre de Prétextat, évêque de Rouen qui l’accuse des meurtres de ces deux princes.

Elle échoue dans sa tentative de faire assassiner Gontran à qui elle avait envoyé deux ambassadeurs qui étaient, en vérité, des tueurs à sa solde.  

Pour les autres meurtres, laissons-lui le bénéfice du doute.

Frédégonde tentant d’assassiner sa fille Rigonte

Clotaire Deux.

Clotaire II traitant avec les Lombards (miniature des Grandes chroniques de France ; manuscrit 512 de la bibliothèque municipale de Toulouse,)

Clotaire II, roi de Neustrie de 584 à 613, devient roi des francs par élimination. Sigebert qui s’était fait proclamer roi de Neustrie, est assassiné par Frédégonde, l’épouse de Chilpéric et mère de Clotaire. Il faut dire que la gentille maman ne chôme pas. On lui attribue le meurtre de Galswinthe et d’Audevère, seconde et première épouse de Chilpéric, de Sigebert, roi d’austrasie, de Clovis et de Mérovée, fils de Chilpéric et Audovère, et de Prétextas, l’évêque de Rouen, qui s’était rebellé après l’assassinat de Mérovée.    

Une partie de la noblesse d’Austrasie se révolte et décide de soutenir Clotaire, roi de Neustrie. Et le ménage continue. Childebert Deux, les fils de Sigebert et Brunehilde sont tués tandis que la guerre continue entre les petit-enfants, et jusqu’aux arrière-petits-enfants. Thibert s’allie à son frère Thierry contre Clotaire mais, trahi par ce premier, il est vaincu à Tolbiac et éliminé. Le fils de Thierry, Sigebert, lui aussi manipulé par sa bisaïeule Brunehilde, est assassiné par Clotaire après quelques mois de règne. Son royaume est alors rattaché à la Neustrie. S’en est fini pour les descendants de Sigebert et Brunehilde.

En 613, Clotaire est maintenant le seul roi des francs et réunifie le royaume. Il s’établit à Clichy et réunit une assemblée des évêques et des Grands afin de rétablir « la paix et la discipline dans notre royaume » et de « réprimer les révoltes et insolences des méchants ».

L’édit de Paris, qui vise les abus de pouvoir commis par certains fonctionnaires et confirme le droit d’une femme de ne pas être mariée contre son gré, concerne l’ensemble des trois royaumes et pas seulement celui de Neustrie. Déjà, dans les royaumes francs, une certaine unité apparait qui préfigure le futur royaume de France.

Sous son règne, l’aristocratie terrienne prospère.

En 614, Clotaire II réunit une assemblée de grands ainsi qu’un concile, et est également l’auteur d’un édit de paix valable au sein de son royaume. C’est une première étape essentielle vers ce qui sera plus tard le Royaume de France.

Clotaire II fut un des rares mérovingiens à ne pas être polygame. C’est-à-dire que, s’il a eu trois épouses, Haldetrude, Bertrude et Sichilde, il n’épousait la suivante qu’après la mort de la précédente. Ce qui ne l’empêchait pas, cependant, d’avoir des concubines, dont Sichilde.

Respectueux de l’Église il s’efforçait de se composer une image de roi pieux, inspiré par la sainteté de son oncle Gontran qui l’avait protégé et lui avait permis l’accession au trône.

Il est aussi un des rares qui n’ait pas été assassiné et meurt en 629.

Monnaie de Clotaire II (584 – 628). British Museum

Le bon roi Dagobert

Tiers de sou d'or (trémissis) de Paris aux noms de Dagobert Premier BnF, département des Monnaies, médailles et antiques, AF 685.

Doté d’une solide instruction, ayant appris le latin, l’équitation mais aussi l’ébénisterie puis en matière de politique et de gestion de l’état, Dagobert, fils ainé de Clotaire et de Bertrude, est nommé roi d’Austrasie par son père. Ses tuteurs y seront Pépin de Landen, de la dynastie austrasienne des Pippinides, et Arnoult, évêque de Metz, fondateur de la dynastie des Arnulfiens.

Il améliore le système judiciaire, afin de le rendre plus équitable. En 614, le wergeld, ou prix de l’homme est pratiquement équilibré, quelle que soit la naissance des hommes : « Les hommes naissent égaux en droit. » Tiens, ça me rappelle quelque chose. Les conditions de successions s’uniformisent et un évêque ou un clerc intervient durant les procès. Les premiers avocats. Et ils peuvent faire appel.

Une justice équitable, c’est déjà, depuis longtemps, la grande préoccupation de nos rois. 

A la mort de son père, le 18 octobre 629, le bon roi Dagobert, ou plutôt, Dagobert Premier, devenu roi des francs, ne rompt pas avec la tradition familiale et assassine son frère pour unifier le royaume.

Les royaume des francs, Neustrie, Austrasie, Burgondie et Aquitaine,  couvrent l’ancienne Gaule ainsi qu’une partie de la Germanie et la Bavière. 

A la surprise générale, Dagobert Premier se révèle un bon roi qui veut régner et ne laisse pas le pouvoir à ses maires de palais.

Il entreprend alors des réformes essentielles avec le gardien du sceau royal, Dadon, Saint-Ouen, et l’orfèvre Eligius, Saint-Eloi. Il lutte contre les revendications autonomistes de certaines parties de la noblesse, supprime la pratique successorale, dite de la patrimonialité, cause de nombreux conflits, réorganise l’administration et la justice du royaume, et s’attaque à la fraude monétaire en centralisant au palais la frappe de la monnaie. En matière fiscale, il fait aussi d’importantes réformes, restaure le cadastre. Les Grands doivent payer désormais une redevance annuelle. Il supprime les levées exceptionnelles et des dédommagements sont accordés aux cités qui doivent accueillir les armées. Des inspections s’assurent de l’intégrité de la justice.

Il développe également l’éducation et les arts, et fait de nombreux dons importants au clergé dont la basilique Saint-Denis.

Royaume des Francs en 628

Si Dagobert peut être considéré comme notre premier grand roi, il est le dernier mérovingien à exercer réellement le pouvoir.

Les suivants étant progressivement manipulés puis écartés par les maires du palais que son père avait proclamés. Ils laisseront le pouvoir aux maires de palais dont la descendance deviendra la future dynastie Carolingienne.

Bathilde

Sainte Bathilde, reine de France, par Victor Thérasse (1848), Paris, jardin du Luxembourg.

Bathilde est l’une des plus grandes reines ayant gouverné. Et je dois avouer avoir pour elle une certaine tendresse. Elle fut l’épouse de Clovis Deux dit « Le fainéant », non qu’il fut particulièrement paresseux, il lui fit trois enfants, mais il mourut à vingt-deux ans et fut dominé par ses maires de palais : Ega puis Erchinoald.

On ne sait pas grand-chose sur les origines de Bathilde. Cependant, la : « Vita sanctæ Bathildis », (anonyme), bien qu’insistant sur son caractère religieux, a été écrite peu après sa mort.

Elle est née vers 630 dans la partie saxonne de l’actuelle Angleterre. Peut-être en Northumbria qui connait un début d’évangélisation à cette époque. Sans doute de condition très modeste : « qui de parvis efficit magnos, immo qui de stercore elevat pauperem. »

Elle arrive en Neustrie et est acquise, alors qu’elle est très jeune, par Erchinoald, maire du palais de Neustrie. Elle devait être très belle car celui-ci décide de lui faire épouser Clovis. Sans doute pour assurer son emprise sur le jeune roi.

Selon Frédégaire, elle aurait joué un rôle important auprès de son époux. Mais rien de précis à ce sujet sinon la légende abominable des énervés de Jumièges qui est évidemment fausse. L’aîné de ses fils avait cinq ans à la mort de son père, ce qui est un peu jeune pour organiser une rébellion.

C’est surtout lorsqu’elle devient régente, à la mort de son mari, que Bathilde va donner toute la mesure de son talent. Soutenue par Erchinoald, elle va lutter contre les Grands pour conserver l’intégralité territoriale du royaume. Elle doit cependant faire monter Childéric, son second fils, sur le trône d’Austrasie, sous la tutelle de Wulfoald, maire du palais d’Austrasie.

Bathilde s’entoure de conseiller efficaces, Dadon, évêque de Rouen, Eloi, évêque de Noyon, Chrodobert, évêque de Paris et Genès de Lyon. Avec eux, elle travaille à éviter les conflits et veille à l’application de la justice.

Bathilde s’attaque à l’esclavage qu’elle tente d’abolir, rendant illégale leur vente et leur achat. Les esclaves venus de l’étranger deviennent obligatoirement libres sur le sol des Francs et elle rachète alors de nombreux captifs.

Elle s’attaque à la vente d’enfants et fait libérer les chefs de famille emprisonnés pour dette fiscales.

Sur le plan fiscal elle s’attaque à l’impôt en fonction du nombre de personnes au foyer, raison pour laquelle certaines familles laissaient mourir les nouveau-nés.

Si elle favorise l’Eglise, faisant bâtir ou aidant de nombreux établissements religieux, elle s’attaque à la simonie, vente de biens spirituels sacrements et charges ecclésiastiques.

On ne sait pourquoi Bathilde a pris la décision de quitter le pouvoir et se cloîtrer. Sans doute après l’assassinat de Chrodobert et parce que la situation devenait trop violente.

Elle se retire dans l’abbayes de Chelles, qu’elle avait fondée. C’est là qu’elle meurt, le 30 janvier 680, à l’âge de cinquante ans.

Théâtre historique

Les rois fainéants.

Statue de Pepin ΙΙ de Herstal (635-714) à Liège, Belgique

L’appellation de « rois fainéants », littéralement « ayant fait néant », a été attribuée, aux rois francs mérovingiens succédant, à partir de 639, à Dagobert Premier par Éginhard, (770-840), biographe de Charlemagne dans sa « Vita Karoli », vie de Charlemagne car, selon lui, les Mérovingiens « n’avaient plus de rois que le nom », n’ayant accompli aucune réforme d’importance au cours de leurs règnes.

   Les républicains de l’époque de Jules Ferry ont perpétué et accentué à travers l’école publique la perception négative de ces rois, se déplaçant dans de lourds chariots bâchés tirés par des bœufs.

 L’historiographie républicaine très hostile à la monarchie en fait des souverains paresseux confortablement allongés sur des coussins moelleux. En réalité, il s’agissait d’une coutume germanique : « Après son élection, le roi devait parcourir toutes ses terres à la rencontre de son peuple sur un char rituel*. »

En quelque sorte, il était en campagne électorale. 

Il faut aussi préciser que les carrosses n’apparaîtront qu’au seizième siècle et que les déplacements royaux se faisaient dans le même type de charrues que celles utilisées par les paysans pour transporter le foin, Tout juste étaient-elles décorées par des tentures et l’intérieur était rempli de coussins, ce qui était un minimum étant donné qu’elles n’étaient pas dotées de suspensions et connaissant l’état des routes de l’époque.

* Bernard Fontaine, Geneviève Béduneau, Mystères et merveilles de l’histoire de France, J’ai Lu, 2015, p. 87.

En vérité, cette période fut marquée par une succession de règnes parfois brefs de souverains souvent très jeunes, et dans une grande instabilité politique où le pouvoir fut usurpé par l’aristocratie, en particulier par les maires du palais, en particulier, Charles Martel et Pépin le Bref.

Clotaire Trois meurt à vingt ans. Son frère, Thierry mais, après la mort de leur maire du palais, Wulfoald, les Austrasiens se révoltent, menés par Pépin de Herstal.

Ébroïn, maire du palais de Neustrie, et Thierry battent d’abord les Austrasiens à Lucofao, mais sont vaincus en 687 à la bataille de Tertry. Thierry tombe entre les mains de Pépin de Herstal qui le prive de tout pouvoir. S’en est fini des rois mérovingiens qui ne sont plus que des marionnettes.

Clovis Quatre meurt à 17 ans. Son frère, Childebert Quatre règne 33 ans, mais c’est Pépin de Herstal qui a les commandes. Dagobert Trois, son fils, accède au trône à 12 ans et meurt à 16. Il a cependant eu le temps d’avoir un fils qui n’a pas deux ans. Thierry, qui est envoyé dans l’abbaye de Chelles.

Buste de Thierry IV (713-737) par Jean Dassier (1676-1763)

Les neustriens, dirigés par Plectrude, veuve de Pépin de Herstal, se révoltent. Ils sortent alors un clerc nommé Daniel, d’origine probablement royale. Daniel est alors couronné par Raganfred, maire de palais de Neustrie, et devient Chilpéric Deux, roi de Neustrie et des burgondes. Pendant ce temps, Clotaire Quatre devient roi d’Austrasie.

Charles Martel, fils de Pépin de Herstal, installe alors Thierry sur le trône. Le fils de Dagobert Trois n’a que 9 ans, mais il faut qu’il y ait un roi pour que le maire de palais puisse régner.

Pourtant, en 737, lorsque Thierry meurt, il n’y a plus d’héritier. Le trône reste vacant jusqu’en 743.

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