Lorsque Charles le Bel meurt, en 1328, le royaume se retrouve pour la première fois sans héritier mâle. C’était un évènement sans précédent car, depuis l’avènement de Hugues Capet, en 987, douze générations avaient offert un enfant mâle à la couronne.
La coutume féodale n’exclut pas les femmes. On connait le cas de Mahaut, comtesse d’Artois, mais il y a eu des femmes à la tête de l’Aquitaine, de la Champagne et des Flandres.
On utilisera des théories fumeuses et fumantes, si nombreuses et peu précises qu’elles finissent par être contreproductives, des phrases toutes faites : « Le royaume ne tombe point en quenouille. », « Les lys ne filent point. »
Raoul de Presle, (1270-13298), ancien conseiller de Philippe le Bel et légiste, évoquera l’histoire des filles de Tselophchad dans la bible. Pourtant, si on lit le second verset du chapitre 36 des nombres, le résultat est sans appel :
« Ils dirent : L’Éternel a ordonné à mon seigneur de donner le pays en héritage par le sort aux enfants d’Israël. Mon seigneur a aussi reçu de l’Éternel l’ordre de donner l’héritage de Tselophchad, notre frère, à ses filles. »
La loi salique
En 1358, soit 42 ans après la mort de Louis Dix et l’éviction de sa fille, Jeanne, Richard Lescot, un moine de l’abbaye Saint-Denis, exhume le texte, soi-disant originel de la « loi des Francs saliens ». Ce texte, et en particulier, le fameux titre 62 dit « Des aleux », qui traite de la transmission des terres détenues en pleine propriété par un groupe familial, servira dès lors pour justifier l’éviction des femmes.
Pourtant, si on regarde ce titre 62 de plus près, tout n’est pas si évident :
Article 1 : Si un homme meurt sans laisser de fils, son père ou sa mère survivant lui succédera.
Article 2 : A défaut du père et de la mère, les frères et sœurs qu’il a laissés lui succéderont.
Article 3 : A défaut des frères et sœurs, les sœurs de son père lui succéderont.
Article 4 : A défaut des sœurs du père, les sœurs de la mère lui succéderont.
Article 5 : A défaut de tous ces parents, les plus proches dans la ligne paternelle lui succéderont.
On constate que cette loi n’exclut pas les femmes, même si elle donne la priorité aux descendants mâles.
Seul l’article 6 vient contredire tous les précédents : À l’égard de la terre salique, aucune portion de l’hérédité ne sera recueillie par les femmes ; mais l’hérédité tout entière sera dévolue aux mâles.
L’ennui, c’est que personne ne sait à quoi se rapportait ce terme de « terre salique » dans l’esprit du rédacteur de cet article.
Pire encore, si on s’en tient à l’article 2 du titre 62 : « A défaut du père et de la mère, les frères et sœurs qu’il a laissés lui succéderont. », la seule survivante du roi étant sa sœur, Isabelle de France, (1295-1358), épouse d’Edouard Deux et mère d’Edouard Trois d’Angleterre, c’est à elle que revient la couronne, et à son fils par héritage. Et Edouard ne se privera pas de la revendiquer et, même si ça ne sera pas la seule cause de la guerre de Cent ans, ce sera un argument de poids.
Cette loi avait si peu de poids qu’à l’époque de la mort de Louis, on avait oublié de l’évoquer pour justifier de l’éviction de sa fille Jeanne. On parlait du soupçon de bâtardise, Marguerite de Bourgogne, ainsi que sa sœur Blanche, ayant été convaincues d’adultère en 1314.
Finalement, l’université de Paris déclara, le 3 février 1317, que Philippe était mieux placé que Jeanne car il n’était séparé de Saint-Louis que par deux générations. On était loin de la coutume qui voulait que les biens passent de pères en fils.
Marie d’Angleterre
On peut comprendre qu’il s’agisse d’une mesure de prudence, d’un numéro complémentaire, afin d’éviter que des femmes ayant épousé un roi étranger, ne puissent prétendre à la couronne et menacer l’intégrité du royaume de France, non par le fait qu’elles soient femmes, mais par celui qu’elles soient mères de rois pouvant alors prétendre à cette succession.
Mais le cas est prévisible. Ainsi, si nous prenons l’exemple de la succession d’Edouard Six, fils d’Henri Huit d’Angleterre, en 1553.
Sa sœur, Marie Première lui succède et épouse Philippe Deux des Espagnes.
Il est alors établi un acte de mariage qui précise que, si Philippe recevra le titre de « roi d’Angleterre », et que tous les documents officiels seront signés avec leurs deux noms et le Parlement convoqué sous l’autorité conjointe du couple jusqu’à la mort de Marie Première.
L’Angleterre ne sera pas obligée de fournir un soutien militaire aux guerres du père de Philippe et ce dernier ne pourrait pas agir sans l’accord de son épouse ou nommer des étrangers dans l’administration anglaise.
Il ne pourra pas revendiquer le trône si Marie Première mourait avant lui.
De plus, pour élever son fils au rang de sa future épouse, Charles Quint lui avait cédé le royaume de Naples. Marie devenait donc aussi reine de Naples.
La question du sacre
Le sacre est une cérémonie religieuse conférant à un souverain un caractère sacré à la différence du couronnement qui est un acte civil. C’est Pépin le Bref qui inaugura cette pratique en 751 pour s’assurer du soutien du pape. Depuis Louis le Pieu, en 816, les rois sont sacrés dans la cathédrale de Reims. Lors du sacre, les évêques présents oignent le roi du saint chrême, et le roi s’engage à respecter et défendre l’Église, à assurer la paix et rendre justice ainsi que la miséricorde.
Etre roi est une dignité sacerdotale. Or, les femmes ne peuvent exercer ni sacerdoce, ni office. Elles ne peuvent pas être prêtres. C’est donc cette dimension sacerdotale du trône de France qui en exclut les femmes, qui ne peuvent participer au sacre.
Cet argument n’est guère valable si on sait qu’un certain nombre de rois ont régné sans être sacré selon la tradition. Hugues Capet, Robert Deux, Louis Six, n’ont pas été sacrés à Reims. Henri Quatre l’a été à Chartres et, comme son onction ne pouvait se faire avec la même huile contenue dans la sainte ampoule utilisée par l’évêque Remi de Reims, on en a utilisé une autre trouvée dans l’abbaye de Marmoutier. Louis Dix-huit n’a pas été sacré.
Lors du sacre de la reine, les onctions sont réduites à deux : sur la tête et la poitrine, et l’huile sainte n’est pas mélangée avec un prélèvement de la sainte ampoule. La reine ne touche pas les scrofuleux. Elle reçoit un manteau, mais pas de tunique et de gants comme son mari. Sa couronne, plus petite que celle du roi, son trône légèrement plus bas, et elle n’est pas soutenue par les pairs de France, mais par des barons et des princes. Pour le reste, elle participe de la même façon au rite.
Roi ou reine ?
Plusieurs reines ont exercé le pouvoir avec talent et efficacité. Entre autres, Blanche de Castille, Anne de Beaujeu, Louise de Savoie, Catherine de Médicis et Anne d’Autriche.
Quant à Jeanne, privée de ses droits à la succession de son père dans le royaume de France. L’assemblée générale de Navarre, en mai 1328, l’a reconnue comme monarque légitime.
Son avènement a mis fin à l’union entre la Navarre et la France créée par le mariage de Jeanne Première de Navarre et Philippe le Bel.
Son règne, en coopération avec son époux, Philippe d’Évreux est très sage. Pendant que la France s’écroule sous le règne d’un roi mâle, Jeanne et Philippe financent l’irrigation des champs arides autour de Tudela et établissent des relations pacifiques avec les États voisins.
Ainsi que Bathild. Ainsi que Blanche de Castille. Elle a montré aux hommes qu’une femme peut régner et faire de grandes choses.
Dans le cadre d’une série de pièces de théâtre historique mettant principalement en scène de grandes dames. Voir dans : Mes publications : Théâtre historique.
J’ai écrit une uchronie mettant en scène Jeanne, fille du roi Louis X le Hutin, dont la couronne n’aurait pas été usurpée par Philippe V le Long. Une reine ayant tous les pouvoirs d’un roi, une grande première et, plus encore : La guerre de cent ans n’aura pas lieu.
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Jeanne de Belleville, seigneuresse bretonne dont le mari a été assassiné sur ordre de Philippe VI, décide de se venger. Elle va prendre des places fortes et des villes puis, après avoir acheté trois navires, elle va s’attaquer à tous les bateaux battant pavillon français.
Alors, un roi ou une reine ?
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